Club de la Presse internationale sur "France Info TV":

Débat sur la campagne électorale, une semaine avant le deuxième tour des présidentielles en France

Sous la direction de Martin Baumer et avec Anna Navarro Pedro (Portugal), Joav Toker (Israel) et Danny Leder

 

« Si Marine Le Pen passe, l’Union européenne trépasse »

 

Les principaux sujets proposés lors du débat du Club de la presse internationale sur « France-Info-TV », le dimanche 17 Avril, étaient : la chasse des deux finalistes de la présidentielle aux voix de gauche. Et est-ce que le front républicain face à l’extrême-droite existe-il toujours ?  

   Mais pour ma part, j’estimais que l’essentiel ne se situait plus au niveau de ces interrogations redondantes. Une semaine avant le deuxième tour des présidentielles françaises il fallait parer au plus urgent, et c’est ce que j’ai essayé de faire lors de mes prises de parole.

   J’ai me suis donc focalisé sur la survie de l’Union européenne qui serait bien évidemment remise en question par une victoire de Marine Le Pen. Et qu’il fallait que les électeurs décident en leur âme et conscience face aux défis de ce deuxième tour - indépendamment de ce qu’elles ou ils avaient pu ressentir, espérer ou voter antérieurement.

   Si Marine Le Pen n’affirme plus textuellement vouloir sortir de l’Union européenne ou de l’Euro, les mesures qu’elle promeut engendreront inévitablement une rupture avec l’UE, ou du moins avec l’Union politique et économique en sa version actuelle, cadrée par la convention des droits de l’homme et la cour de justice européenne. Vu le poids décisif de la France, qui a encore augmenté suite au Bréxit, l’UE dans sa mouture actuelle ne pourra pas survivre à une arrivée au pouvoir de l’extrême-droite à Paris.

   Ainsi le souhait de Marine Le Pen de réduire la contribution de la France au budget européen de manière unilatérale rendra caduc les autres accords qui ont permis d’ériger l’union monétaire. Une union qui s’est pourtant avérée vitale lors des crises financières antérieures et qui a permis à la France de pouvoir emprunter sur les marchés financiers à un taux extrêmement favorable. D’ailleurs, si on suivait les recettes souverainistes de Marine Le Pen, qu’en serait-il de l’emprunt européen record qui a permis à tant d’entreprises françaises et d’habitants de ce pays de faire face à la crise sans précèdent provoquée par l’épidémie du Covid ?  

   Et puis, Marine Le Pen veut sortir du pacte qui mutualise l’approvisionnement en énergie entre les états membres de l’UE. C’est le tout-nucléaire propre à la France (en faveur duquel Marine Le Pen veut d’ailleurs démanteler même les éoliennes existantes !) qui rendrait le pays autosuffisant en la matière et baisserai le prix de l’électricité, selon ses dires. Mais en dehors d’un risque d’accident cataclysmique qu’implique cette monoculture nucléaire, on peut constater qu’actuellement déjà 20 pourcents du parc nucléaire français sont à l’arrêt à cause de défaillances, de corrosion prématurée et de mesures de révision – et ce n’est qu’un début si l’on tient compte de l’âge avancée de nombreuses centrales. Que ferait la France si elle ne pouvait pas s’approvisionner en énergie auprès de ses voisins justement dans le cadre du pacte européen pour compenser l’arrêt de ses centrales. On irait droit au Black-Out. C’est bien pour éviter cela qu’il faut rester au sein du système mutuel de fourniture d’énergie européen y compris en supportant son soi-disant surcout.

 

Mais il y a plus grave, beaucoup plus grave…

 

J’ai évoqué l’Autriche pour rappeler qu’un parti d’extrême droite, le FPÖ, allié au sein du parlement européen de Marine Le Pen, avait déjà gouverné en Autriche – mais au sein d’une coalition dans laquelle à chaque fois le FPÖ s’était retrouvé (en)cadré par un partenaire plus puissant. Et à chaque fois, la participation gouvernementale des amis autrichiens de Marine Le Pen s’était soldée par des scandales de corruption et autres abus qui avaient été mis en lumière par les médias et la justice.

   Mais en France, si Marine Le Pen accèderait à la présidence, on assisterait à la rencontre entre un système qui confère déjà énormément (trop ?) de pouvoir au chef de l’état, en tout cas plus que dans n’importe quel autre pays démocratique, et une femme politique issue de la tradition national-autoritaire et qui, à de multiples reprises, a désigné ses modèles politiques.

   Par exemple, lors d’une interview qu’elle m’avait accordé en Mai 2014, donc après l’annexion de la Crimée par la Russie, elle avait déclaré : « Poutine défend les valeurs de la civilisation européenne ». Et elle ne s’était pas gênée de faire la cour à Viktor Orban, le premier ministre hongrois qui a muselé quasiment tous les médias de son pays, et qui mis au pas les autres contre-pouvoirs ce qui a permis à son entourage de détourner impunément une partie importante des subsides européens.

   C’est donc bien une course à l’abime autoritaire que risque la France, si jamais Marine Le Pen parviendrait au pouvoir dimanche prochain. J’ai résumé ce risque en utilisant la formule : « Si Marine Le Pen passe, l’Union européenne trépasse ».

 

17/4/2022