Le "Micro européen" sur "France-Info":

José-Manuel Lamarque interroge Danny Leder

Suite à la mort de George Floyd, la plus grande manifestation en Europe contre le racisme a eu lieu à Vienne

La participation de plus de 50.000 manifestants à la marche contre le racisme et les violences policières à Vienne a surpris tout le monde, et en premier lieu les initiateurs de la manifestation, un petit cercle d'Africains-Autrichiens. Parmi eux, la maire adjointe (élue sur la liste du PS) du premier arrondissement (l'hypercentre) de Vienne, Mireille Ngosso, arrivée en Autriche à l’âge de trois ans avec sa famille de l'ex-Zaïre en 1980. Si la police a lors de cette manifestation fait preuve d'une attitude plutôt bienveillante, cela n'a pas toujours été le cas vis à vis des quelques milliers d'Africains qui ont fait souche en Autriche. Le noyau de jeunes militants noirs qui avait appelé à cette manifestation, a été rejoint par une déferlante de jeunes et très jeunes manifestants, des lycéens pour la plupart, arrivés au lieu du rassemblement par classes entières. On peut y voir la continuation du mouvement des grèves lycéennes pour le climat, très puissant en Autriche avant l'apparition du Coronavirus. Probablement, il s'agissait aussi d'un éveil collectif, quasi festif, après les semaines de confinement. Mais la manifestation a été également marquée par l'émergence dans l'espace public autrichien des enfants et petits-enfants de travailleurs migrants issus des pays de l'ex-Yougoslavie, d'autres pays d'Europe de l'est, de réfugiés arrivés du Proche-Orient et même d’Extrême-Orient, notamment de Tchétchénie et d'Afghanistan. Pour une partie de ces jeunes, cette manifestation était probablement aussi une sorte de revanche par rapport aux mauvais traitements et au mépris que pouvaient endurer leurs parents, dans certaines situations, de la part de certains éléments de l'administration autrichienne et de la population. En ce sens, cette manifestation revêtait aussi une signification de politique intérieure: un pieds-de-nez au chancelier conservateur Sebastian Kurz qui avait dans un premier temps gouverné ensemble avec l'extrême-droite xénophobe et adopté certaines facettes du discours de celle-ci. Cette coalition entre conservateurs et extrême-droite a fini par éclater en mai 2019 suite à un scandale retentissant autour de Heinz-Christian Strache, le leader d'alors du parti d'extrême-droite, le FPÖ. Mais Sebastian Kurz est toujours à la tête du pays, bien qu'il gouverne maintenant grâce à une coalition avec le parti des verts autrichiens qui tente de faire contre-poids. Si l'on peut se réjouir de la récente manifestation anti-raciste en tant que puissant signal contre la montée du populisme droitier, il faut néanmoins faire crédit à Sebastian Kurz de s'être montré, à juste titre, très vigilant vis-à-vis du fondamentalisme islamiste qui gangrène une partie, certes minoritaire, de l'immigration et de la jeunesse musulmane en Autriche.    

13/6/2020